La vie de village est rythmée par les saisons et les activités viticoles…
Les vendanges
La vigne et le vin accompagnent les habitants des Corbières et du Minervois depuis l’implantation de souches, au temps des Romains et le développement d’un commerce florissant entre le port de Narbonne et Rome. Le grand développement viticole se produit au milieu du XIXème siècle, rompant avec une production plus diversifiée et autarcique. Les vignerons replantent après les ravages du phylloxera et du mildiou. Les manifestations de 1907, menées par Marcelin Albert, vigneron-cafetier à Argeliers, permettent de fixer les règles de production du vin naturel. La mécanisation a enlevé de la pénibilité aux travaux, mais a aussi marqué une rupture dans le relationnel humain.
Certains vignerons continuent à vendanger à la main. La còlha, c’est le groupe de vendangeurs et vendangeuses. Il y a les coupeuses et les coupeurs : la mossenha est chargée de donner le tempo. Gare à celle qui oubliera une grappe de raisin : elle se fera mostar (écraser une grappe sur la figure) ! Les porteurs collectent les seaux pleins.
Le Dius-ac-vòl clôturera par un repas festif et arrosé les travaux des vendanges. Les fêtes des vins primeurs et les castanhadas (las castanhas e lo vin novèl fan dançar las filhas) ont remplacé ces moments de fin des vendanges.
Dins las petitas còlhasSe passa en familha,Lo cap de còlha es lo gorbejaire,Regardatz-lo anar venir dins la vinhaÒm diriá un parpalhòl que butinaVa, ven de la còlha a la semalE los copaires vujan al senhal,En cantant va de la semal a la còlhaPara l’esquina, remena la mai mòlhaEn s’entornant pòrta la vendémia a bon pòrtCar de rasims gostoses li an remplit lo gòrb.
Dans les petits groupes de vendangeurs / Cela se passe en famille / Le chef est le porteur de la hotte / Regardez-le aller et venir dans la vigne / On dirait un papillon qui butine / Il va et vient du groupe à la comporte / Et les coupeurs vident au signal / En chantant, il va de la comporte au groupe / Il présente son dos, il secoue la moins active / En revenant, il porte la vendange à bon port / car des raisins goûteux ont rempli sa hotte.
Extrait de Las vendémias (C. Limouzy , in Vilatges al País-Canton de Durban T I, p. 123)
La pétanque
La pétanque est un sport né en Occitanie et plus précisément en Provence au début des années 1900. À partir de 1945, elle remplaça rapidement le jeu de boules à la provençale car elle s’adressait à tous et ne nécessitait pas de longs terrains vu qu’il s’y joue sans élan (pétanque : de pès tancats, pieds fixes).
La pétanque représente un moment de répit dans la journée de labeur. Elle est un jeu saisonnier marquant le retour des beaux jours. Tout terrain plat pouvait faire office d’aire de jeu. Mais, toute pente, trou, gravillon… constitue aussi des éléments à prendre en compte pour mener à bien le déroulement des parties.
La pétanque est un jeu avant d’être un sport. Un jeu où l’on se retrouve, à l’ombre des platanes, mais qui, au-delà des gestes techniques longuement préparés, puis commentés et disséqués, de l’art de lançar lo let (lancer le bouchon), des choix cornéliens entre tirar e puntar, est surtout un lieu de paroles où s’échangent les dernières informations du village. De l’apéritif mis en jeu, on passe à de véritables concours en doublettes et triplettes lors des fêtes locales et à de véritables compétitions.
Le rugby
Dans les années 1890, Joseph Anglade, félibre (auteur de textes amusants en langue d’oc) et universitaire (spécialiste de l’occitan médiéval), rapporta de Toulouse un objet bizarre et magique, en cuir et de forme ovale : un ballon de rugby. Après les parties amicales du dimanche à la suite de pique-nique, le jeu devint sport et naquit le Football-Club Lézignan en 1907 (car ici « anar al fòbal », c’est aller au rugby !). Le sport essaima dans les villages alentour. Le FCL disputa la finale du championnat de France face à… Quillan en 1929 (et la perdit). Après l’apparition du rugby à XIII en 1934 (qui fut interdit par Vichy) et sa renaissance à la Libération, les deux codes rugbystiques se partagèrent le territoire : on est quinziste ou on est treiziste et on en discute à en perdre la voix et jusqu’au bout des arguments chaque fois que l’on se rencontre !
Le Football Club de Lézignan XIII a connu de riches heures, enlevant 4 titres de champions de France successivement de 2008 à 2011 et soulevant la Coupe Lord Derby en 2010 et 2011. Les villages autour connaissent également l’engouement pour le XIII : Ferrals, Ornaisons, Homps, Val de Dagne,…
Les quinzistes, ayant pour référence les grands clubs voisins de l’AS Béziers et du Racing Club de Narbonne, sont nombreux à disputer les épreuves régionales languedociennes et remportent régulièrement des titres nationaux : Bassin Sud Minervois, Névian-Canet, AOC (Ouveillan-Cuxac), St-André-Bizanet, Tauch-Corbières (Tuchan-Durban), …
Lo dimenge e los jorns de fèsta, Anam totis a l’estadium, Anam véser aquelas bèstias, Que corrisson darrièr lo balon
Viva lo fòbal, es aquò que nos cal ! Aquí almens tot lo monde remena Viva lo fòbal, es aquò que nos cal ! Aquí almens i a un pauc de rambalh
Le dimanche et les jours de fête, nous allons tous au stade voir courir ces costauds derrière un ballon. Le rugby c’est ce qu’il nous faut : là, au moins, tout le monde bouge et il y a de l’animation.
La chasse
L’association des chasseurs est un lieu de rencontres mais aussi un lieu de pouvoir pour les relations humaines et la gestion du territoire, objet de discussions interminables, de fâcheries éternelles (qui peuvent se régler autour d’un verre), d’une hiérarchie secrète dans le rôle de chacun mais aussi dans le fonctionnement harmonieux d’un groupe où chacun tient sa place pour le bien de tous ou pour l’objectif visé.
De retour au village, l’équipe se retrouve dans quelque remise où le « cochon » abattu sera dépecé et découpé. Il sera alors procédé à un partage égalitaire. Les morceaux sont disposés dans des «cagettes » ou du « papier de boucher » portant chacun un numéro. Les chasseurs ayant participé à la battue plongent à tour de rôle une main dans le « saquet » contenant le même nombre de « numéros de loto » pour en retirer celui de la caissette à emporter.
La tête revient alors à celui qui a tué la bête, le foie (morceau de choix) est partagé entre les piqueurs et, si la chasse a été bonne, une part supplémentaire est réservée au propriétaire des chiens. Un verre à la main – celui qui a tué la bête paie la bouteille. On continue toujours et encore de recouper les témoignages fragmentaires des uns et des autres pour recomposer l’ensemble d’une action que personne n’a pu suivre intégralement. » (Canton de Tuchan et Communauté de Communes des Hautes-Corbières, ed. Vilatges al País).
Être président ou secrétaire de l’Association de Chasse locale est une fonction très importante au sein de la communauté villageoise.